Fiche technique :
Titre : Ce que la Bible dit vraiment de l’homosexualité
Auteur : Daniel Helminiak
Editeur : Empêcheurs de Penser en Rond
ISBN : 978-2846711302
Première publication : 1994 (réédition en 2001 aux USA)
Avant de commencer à parler de ce livre, il faut faire un petit point sur le vocabulaire employé ici, et surtout la manière dont l’auteur l’utilise. Très vite, en effet, Daniel Helminiak s’explique : pour lui, « l’homosexualité » ne peut pas se réduire uniquement à son aspect sexuel et physique. Il établit une différence entre ce qu’il appelle « l’homogénitalité » (à savoir le simple rapport sexuel entre deux individus de même sexe), et « l’homosexualité » (qui comprend toute une dimension affective et amoureuse). Si cette distinction est pertinente, il nous semble hélas que le choix de l’auteur est peu heureux, car malgré ses efforts, le terme « homosexuel » reste et restera toujours connoté. Il aurait probablement été plus judicieux de créer un autre mot, tel que « homoaffectif », ou « homospirituel ». Dans un soucis de clarté, dans cette présentation, le terme « homosexuel » aura donc le même sens que chez l’auteur de l’ouvrage.
Ce qu’il y a de tout à fait intéressant dans ce livre, c’est que Daniel Helminiak y effectue un travail linguistique, revenant autant que possible à la source, au texte d’origine. Pour cela, il s’appuie sur les dernières études, et cite bien évidemment ses sources. On le sait : traduction = trahison. Et il y a de très nombreuses manières d’interpréter n’importe quel texte. Il en va évidemment de même pour la Bible. Ce constat est d’autant plus vrai quand on analyse un texte écrit des millénaires dans le passé, avec un vocabulaire contemporain. La démarche de l’auteur ici est justement de replacer les mots utilisés dans le contexte social, historique et culturel de l’époque. Pour étayer son propos, il compare même les traductions actuelles avec celles en grec ancien de l’époque, et redonne à chaque terme une signification contextualisée (allant même jusqu’à regarder les différentes utilisations d’un même terme dans plusieurs extraits bien dissociés). Faisant cela, il relativise et interprète différemment certains passages considérés par les extrémistes comme étant ceux qui, soi-disant, condamnent « l’homosexualité » dans la Bible.
La première chose à retenir concerne « le péché de Sodome ». Grâce à ses analyses, Daniel Helminiak prouve de manière très nette que ce péché n’a aucun rapport avec « l’homogénitalité », comme l’affirment pourtant tous les bigots extrémistes. Non, le péché de Sodome est en fait un péché d’ihnospitalité. Ce qui est condamné dans ce passage est très clairement le comportement agressif et haineux des habitants de Sodome vis-à-vis des étrangers et de la différence. Douce ironie donc, quand on sait le sens qu’a pris le mot « sodomie » aujourd’hui. À fortiori, les comportements extrêmes et haineux des homophobes relèvent précisément du genre d’attitudes critiquées dans ce passage.
Dans la suite de l’ouvrage, l’auteur s’embrouille hélas parfois un peu, en s’attardant sur les notions d’éthique, de morale, de bienséance, de bien et de mal. La démarche est noble, mais trop militante, s’attardant trop sur l’aspect « sexuel » de la chose. À cause de cette insistance, Helminiak fatigue parfois, et risque même par moment de passer à côté de son sujet. La démonstration n’étant, en plus, pas toujours aisée à suivre… Heureusement, l’auteur retombe toujours (parfois in extremis) sur ses pieds, pour revenir à l’essentiel de la question. Que ce soit dans le Lévitique, le premier chapitre de l’Épître aux Romains, dans 1 Corinthiens 6,9 ou dans 1 Timothée 1,10, la conclusion reste la même : ce qui est dénoncé, ce n’est pas l’homo-affectivité, ce sont les comportements dépravés, lubriques et libertins, de non-respect de soi et des autres, d’intolérance… En fait, qu’il soit question d’amours « hétérosexuels » ou non, les règles restent les mêmes.
En dernière partie, de manière plus succincte et plus variée (et du coup plus digeste), Helminiak prend différents passages beaucoup plus courts, pour casser certaines idées préconçues, certains arguments affirmant que la Bible condamne « l’homosexualité ». De tout ça, on retiendra une citation de la Bible (1 Samuel 18, 1-4) :
« […] l’âme de Jonathan se lia à l’âme de David, et Jonathan l’aima comme lui-même […]. Jonathan conclut une alliance avec David, car il l’aime comme lui-même. Jonathan se dépouilla du manteau qu’il portait, et le donna à David, ainsi que sa tenue, son glaive, son arc et sa ceinture.»
Puis (2 Samuel 1, 1-26) :
«Ton amour m’était plus merveilleux que l’amour des femmes.»
Merci à Daniel Helminiak pour ces deux exergues, qui mettent parfaitement en évidence que pour un homme centré, il n’y a rien de plus essentiel que la Fraternité.
En conclusion : l’ouvrage, bien que parfois trop gratuitement militant et occasionnellement répétitif, permet d’affirmer que la Bible ne condamne jamais de manière claire « l’homosexualité ». Pas dans le sens qu’a pris ce mot dans les sociétés d’aujourd’hui, en tout cas. La seule chose clairement dite étant « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme » (littéralement, « avec un mâle, tu ne coucheras pas les couches d’une femme », ce qui peut en outre prendre un sens très différent), ce qui n’interdit en rien à deux hommes de s’aimer sincèrement. Daniel Helminiak va même plus loin, car en citant certains passages (celui du jeune esclave du centurion est l’un des plus intéressants), il met en évidence le fait que jamais, oh grand jamais, Jésus n’a condamné les rapports purement affectifs entre les hommes. Au contraire même ! Mais ceci aurait dû être évident depuis longtemps : comment Jésus, entouré de ses apôtres, pourrait-il reprocher à des hommes d’aimer leur(s) frère(s) ?
A voir à ce sujet : le site internet de Daniel Helminiak (dernière MAJ en juin 2010)
Ping : La voie des éphèbes, de Tsuneo Watanabe & Jun’ichi Iwata | Deux-Esprits
Ping : Le monde des religions, n°58 | Deux-Esprits
Ping : Prayers for Bobby, de Russel Mulcahy | Deux-Esprits
Ping : L’homosexualité en vérité, de Philippe Ariño | Deux-Esprits