Titre : L’homosexualité en vérité
Auteur : Philippe Ariño
Editeur : France Catholique
ISBN : 978-2953607888
Première publication : octobre 2012
Phillipe Ariño est professeur d’espagnol. Il est aussi et surtout un homosexuel et chrétien revendiqué. Dès 2008, il publie de nombreux essais sur l’homosexualité, ou plutôt, sur « le désir homosexuel », comme il le définit. Mais en 2011, contrairement à beaucoup d’homosexuels (?), il décide de vivre dans la continence. C’est finalement en octobre 2012 qu’il livre son nouvel ouvrage, L’homosexualité en vérité, dont toute la dernière partie s’intéresse à la question de la compatibilité entre « homosexualité et « foi chrétienne ». Il ne pouvait donc que nous intéresser !
L’ouvrage se présente sous la forme très simple du « question / réponse », ce qui le rend assez facile et rapide à lire. Le tout se présente comme une sorte de guide pour les homosexuels qui doutent et cherchent des réponses à leurs questions existentielles. Le tout s’articule en trois grandes parties : 1/ Qu’est-ce qu’indique « l’homosexualité » en moi ? 2/ Que faire de ce « désir homosexuel » que je ressens ? 3/ Comment vivre foi chrétienne et homosexualité ? Il relie, d’ailleurs, l’homosexualité à ce qu’il appelle « le désir homosexuel », et qui serait la manifestation de différentes formes de traumatismes et/ou de frustrations et/ou de manques et/ou d’inaccomplissement… Il définit l’homosexualité comme quelque chose de fondamentalement « incomplet », « immature », « non accompli », mais sans jamais véritablement « prouver » ce qu’il affirme. Tout au long du livre, sa démarche, sa manière de procéder, est purement rhétorique, et il joue sur les mots. A n’en pas douter, il maîtrise la langue française. Mais l’illusion n’en est que plus dangereuse. Difficile, alors, de savoir sur quoi il base véritablement ses conclusions, autrement que sur des vagues « tous les amis/amants homosexuels que j’ai rencontrés rentrent dans ces schémas »… En fin de compte, Phillipe Ariño applique un procédé très dangereux : celui de l’exemple qui devient la règle. Et parce qu’il n’a vraisemblablement côtoyé que certains types d’homosexuels, il en tire des conclusions abusives en voulant les appliquer à tous les individus…
Pourtant, derrière toutes ses maladresses, ses imprécisions, et les clichés qu’il véhicule malgré ses efforts, Phillipe Ariño nous surprend au détour de quelques propos. Des propos qui pourraient se résumer ainsi : en voulant singer les couples hétérosexuels, estimés « naturels » car « reproductibles », les couples homosexuels sont dans l’erreur et le déni et leurs propres spécificités. Par extension, le « mariage pour tous » nie les différences entre les « hétéros » et les « homos », et serait donc homophobe. Propos intéressants, s’il en est, mais qui ne vont pas assez loin dans l’analyse. Finalement, si Phillipe Ariño refuse de croire en l’amour « homosexuel », c’est simplement car il n’est pas incarné (et qu’il n’a, soit-disant, jamais vu un couple homosexuel harmonieux… mais bon, cet argument ne vaut pas grand chose, et on ne va même pas s’attarder dessus). Mais n’est-ce pas justement parce qu’il n’est pas « incarné » (dans le sens qu’il l’entend) que cet « amour homosexuel » est plus fort, plus précieux ? Car son essence va au-delà des corps, qu’il a lieu d’âme à âme, de coeur à coeur. Cet amour n’a pas nécessairement besoin de l’acte physique pour s’épanouir, et il nous rapproche, du coup, d’autant plus de l’amour divin.
D’ailleurs, à ce propos, dans ses conseils aux homosexuels qui veulent vivre en accord avec eux-mêmes et en plénitude, Phillipe Ariño évoque des choses très intéressantes : la chasteté, l’amitié virile, la prière et l’amour de Jésus… Et c’est là qu’on se rend alors compte qu’il manque à tout son propos une clé de voute essentielle : si l’amour homosexuel n’est pas incarné (incorporé, devrait-on dire ?), c’est précisément car il est de nature profondément plus spirituelle. Et il est assez surprenant que l’auteur ne fasse pas le lien, alors qu’il recommande pourtant de développer chasteté, amitiés platoniques et prière. Ca coule pourtant sous le sens, tout se tient, en parfait équilibre. C’est un peu comme si tout le cheminement de sa pensée était sur la bonne voie, mais qu’il tirait la mauvaise conclusion, alors que tout est pourtant là, sous ses yeux. Et du coup, Phillipe Ariño fait plus de mal que de bien, en prêchant auprès de déjà-convertis à la cause anti-homosexuelle mais non homophobe… ?
On pourrait rebondir, d’ailleurs, sur cette histoire « d’amitié homosexuelle »… Mais c’est quoi, l’amitié homosexuelle ? Surtout s’il n’y a pas d’acte sexuel ? Où se situe, dans ce cas, la différence entre « amour » et « amitié » ? Est-ce seulement au niveau de l’acte sexuel ? Et si l’on vit une parfaite amitié homosexuelle platonique, en quoi le fait que l’onanisme ne soit pas créateur de « vie » est il gênant ? Et puisque l’amour divin et celui de Jésus sont/est par définition non-incarné, en quoi celui entre deux homosexuels fidèles l’un à l’autre et éventuellement « sexuellement platonique » serait-il de nature répréhensible ? Et puisque Dieu et sa création son perfection, quelle est la place des homosexuels dans le grand projet divin ? Trop de questions restent hélas sans réponse… Et en déroulant ainsi le fil de la réflexion, on se rend compte, une nouvelle fois, qu’il manque quelque chose au discours de Phillipe Ariño. Et ce quelque chose, il ne se trouve pas dans le discours officiel de l’Eglise catholique. D’ailleurs, quand il parle très vaguement des autres religions, il esquive la question et prouve son inculture sur le sujet. Plus choquant encore, quand il évoque certains passages de la Bible, il le fait à mauvais escient, et sans avoir pris le temps de lire les différentes études à ce sujet (le Lévitique, tout ça… On pourra vous renvoyer à notre présentation de Ce que la Bible dit vraiment de l’homosexualité, que Phillipe Ariño devrait s’empresser de lire). Et là, soudainement, on comprend : parce qu’il est trop ethno-centré, Phillipe Ariño passe à côté de quelque chose, y compris peut-être de lui-même…
Conclusion : Phillipe Ariño a des côtés extrémistes, et cela le dessert bien trop souvent. Son propos frise du même coup par moment la caricature. A cause de cela, la partie la plus intéressante de son ouvrage (et de son propos en général) risque de rester invisible à tous ceux qui seront heurtés par le reste de ses opinions. Dommage ! D’autant qu’à cause de son aveuglement excessif envers l’institution catholique qu’il sacralise beaucoup trop, de son comportement frôlant parfois le bigotisme, il se pose lui-même des barrières qui l’empêchent de voir à quel point son propos pourrait être véritablement universel, et il passe à côté d’un essentiel. Pour autant, son livre a le mérite d’ouvrir un débat trop souvent tabou, et de le placer dans le contexte de la foi catholique. Quand il parle d’abstinence, de développer les amitiés viriles, Phillipe Ariño s’approche de l’Absolu…
Une très fine analyse qui finalement incite à lire cet ouvrage. Elle me donne surtout envie de vous encourager vous, discret et bienveillant critique littéraire, à écrire, car vous débusquez les moindre pistes à développer, les zones de brouillard, les non-dit peut-être, les idées confuses ou trop conformistes et vous permettriez ainsi de faire d’autres liens.
Vous offririez ainsi à vos lecteurs la possibilité d’élever encore plus haut ce débat de la nuit des temps et de le mettre en relief afin de nous permettre d’approcher l’absolu que le Christ avait dans ses propos quand à la Fraternité, l’Amitié, l’Amour dans ce qu’il a de plus inconditionnel entre les êtres humains, hommes et/ou femmes dans la sublimation et hors sexualité.
Ne pourrait-on pas faire un parallèle avec les amitiés hommes-femmes non consommatrice de sexualité? Quand on parle d’Amour, d’Amitiés, de Fraternité, d’ « adelphité » puisqu’il ne s’agit pas de sororité?
Le thème est complexe, les idées sont éparses, la sémantique trop pointue et je n’ai pas la prétention de pouvoir apporter plus, juste celle de lire et de vous encourager à commettre vos ouvrages. Cordialement.