Le mariage pour tous, l’Eglise et l’homosexualité…

Difficile, ces dernières semaines, de passer à côté des actualités autour du mariage pour tous… Ceux qui sont contre, ceux qui sont pour, ceux qui n’en pensent rien, ceux que ça concerne, ceux que ça ne concerne pas du tout… En fin de compte, tout le monde s’exprime sur le sujet, avec plus ou moins de légitimité et de pertinence. Honnêtement, on se serait bien passé d’évoquer tout cela, mais vu le sujet de notre site, il commence à être difficile de faire l’impasse… Surtout étant donné l’implication de l’Eglise catholique à ce sujet. Mais au-delà de la simple question du mariage, c’est tout un débat sur l’homosexualité, l’église, la parentalité et la notion de famille qui a été mis sur le tapis. Modestement, nous allons tenter d’apporter notre pierre à ce grand n’importe quoi, en s’attardant notamment sur ce que dit la Bible, mais aussi la vision amérindienne des choses…

– A propos de la sacralité du mariage

Le mariage entre un homme et une femme serait donc une institution millénaire, sacrée et qui aurait contribué à la construction de notre identité humaine ? Et ce mariage est, par définition, entre une homme et une femme, car il a parmi ses objectifs d’assurer la survie de l’espèce humaine, tout en protégeant les enfants ? Mais, que nous dit vraiment la Bible, à ce sujet ? Honnêtement, ça ne commence pas de manière très glorieuse, et le couple « Adam / Eve » est loin de symboliser un idéal de perfection. Car s’ils vivaient à l’origine dans l’Eden, ils vont finir par chuter. Le serpent, la pomme, tout ça, on connaît. Et Eve fait chuter Adam, par le passage à l’acte de manger la pomme, ce qui implique la compréhension de la Dualité du monde, et donc de la différenciation sexuelle. Dès lors, la race humaine perd sa sainteté, et va commencer à se reproduire concrètement. D’ailleurs, il est bien important de signaler que, au regard de la loi française, mariage et sexualité vont de pair, et on sait qu’un mariage non consommé peut être déclaré comme caduc. Donc, le mariage représente une union entre un homme et une femme, dont l’acte sexuel est une composante indispensable. Mais si on regarde le premier couple sexué symbolique de l’Humanité (selon les chrétiens), ce passage à l’acte sexuel est pourtant synonyme de chute… Comment alors parler de sacralité du mariage ?! D’ailleurs, pour aller encore plus loin, ce couple originel mettra au monde deux frères : Abel et Caïn. Avec la conclusion qu’on connaît, à savoir, un fratricide. En résumé, si on regarde l’Ancien Testament on a :

Différenciation sexuelle d’Adam et Eve => Chute du Paradis => Union sexuelle => Fratricide

Doit-on vraiment trouver ça très glorieux ?

Ah, mais je vous vois, sceptique, derrière votre écran ! Tout cela est trop abstrait, symbolique ou ésotérique pour vous ? Très bien ! Dans ce cas, regardons ce que Jésus dit concrètement du mariage et de la fidélité. Il faudra pour ça, se reporter à l’Evangile selon Matthieu. Il y est demandé à Jésus (19:3), pourquoi Moïse a permis aux hommes de répudier leurs épouses. Et Jésus répond que c’est « à cause de la dureté de son coeur », mais que la règle première est qu’un homme marié doit rester fidèle à son épouse, pour toujours. Et ses disciples d’affirmer, alors (19:11) :

« Si tel est le rapport de l’homme et de la femme, il vaut mieux ne pas se marier. »

Très fier de ses apôtres, Jésus leur répond (19:12) :

« Les hommes ne sont pas tous capables de tenir ce langage, mais seulement ceux à qui cela est donné. »

Tout est dit : le mariage, c’est n’est pas la meilleure voie, pour l’homme, mais plutôt la solution pour ceux qui n’ont pas compris qu’il y a mieux… Dès lors, l’Eglise ne devrait pas trop s’inquiéter de ce mariage civil qui, finalement, ne concerne que ceux qui ne sont pas capables de comprendre. De toute façon, dans tout le Nouveau Testament, le seul véritable mariage saint et consacré, c’est celui entre l’Humain et l’Eglise, via l’acte du baptême, celui-là même qui efface le péché originel (c.ad., qui efface le mariage « non saint »). La boucle est bouclée !

– A propos de la position de l’Eglise sur les homosexuels et le sacerdoce

Avec ce débat autour du « mariage pour tous », une autre grande question est venue sur la table. Que l’Eglise catholique pense-t-elle de l’homosexualité ? Force est de constater que l’institution a trouvé une réponse plutôt « pratique » à ce sujet : l’église ne condamne pas les individus, mais plutôt le passage à l’acte. Il est donc recommandé aux homosexuels de vivre dans l’abstinence et la continence, et de développer des amitiés platoniques. Ce point de vue est en réalité très intéressant, et renvoie à des notions de Fraternité qui nous semblent très pertinentes. Mais là où le bât blesse, c’est que l’Eglise catholique, pour d’étranges raisons, se contredit ensuite, en « ne recommandant pas aux homosexuels de devenir prêtres »… ?! Donc, si on comprend bien, les homosexuels ne peuvent vivre en couple, dans la « normalité » animale, mais ne peuvent non plus accéder à la voie royale du sacerdoce. Ils ne leur resteraient alors plus qu’à vivre dans le pur célibat, sans connaître l’Amour (qu’il soit humain ou divin) ? Juste l’amitié ? Faut-il donner et donner sans jamais recevoir en retour ? Quelle cruauté… Quel paradoxe, quand on admet que Dieu est profondément  Amour, et que chacun a une place dans le monde. La place des homosexuels serait de s’auto-flageller, pour vivre dans le renoncement le plus total, y compris de celui de l’Amour de Dieu ? C’est précisément là, où le propos de l’institution catholique n’est pas cohérent. Si on résume les arguments souvent avancés, c’est parce que les homosexuels ont une mauvaise compréhension de la notion du « genre », qu’ils confondent masculin et féminin, qu’ils ne sont pas aptes à devenir prêtres, parce que n’ayant pas intégré cette séparation fondamentale des sexes, ils ne pourront pas être de bons guides et modèles… Mmm… Tout cela laisse perplexe. Essayons donc de retourner la situation : en quoi un prêtre hétérosexuel est-il capable de profondément comprendre la condition féminine ? Si les sexes sont fondamentalement différents, complémentaires et opposés, dans son intériorité d’individu masculin, un prêtre hétérosexuel ne pourra jamais « vivre » la condition féminine. Comment alors conseiller une femme dans la tourmente, qui se confiera à lui dans un confessionnal ? Comment comprendre avec la justesse la plus totale ses douleurs, ses doutes et ses errances ? C’est bien simple : il ne pourra physiologiquement et intimement jamais complètement le faire, et ce malgré toute sa bonne volonté. Car sa compréhension du monde, son vécu, son ressenti, se font nécessairement à travers son regard d’homme. C’est bien de ça, dont il est question, et puisque cet argument de la séparation indispensable des genres est si essentiel aux yeux de l’Eglise. S’il y a séparation, alors il faut l’assumer : jamais un homme hétérosexuel ne pourra profondément et intimement comprendre les fidèles de sexe féminin. Comment, dans ce cas, les conseiller avec parfaite pertinence ?

Par contre, regardons le cas de « homosexuels », du point de vue amérindien. Les Deux-Esprits, par nature, sont de nature double, et unissent en eux les deux genres. Et quand cela est fait de manière harmonieuse (on insiste là-dessus !), ils sont alors les meilleurs médiateurs, sociaux et spirituels. Entre les genres aussi, évidemment, car de par ce qu’ils sont et ce qu’ils incarnent, ils sont justement capables de comprendre et d’intérioriser les deux concepts de « masculin » et de « féminin ». Ils sont ceux qui, mieux que quiconque, connaissent les limites de chacun des genres, qui en connaissent les spécificités. Sans aucune limitation de ressenti, car leur nature spirituelle leur donne un accès aux deux côtés de la balance. La vision amérindienne des Deux-Esprits apporte donc une réponse évidente : il n’y a pas de prêtre mieux placé qu’un « homosexuel » qui aurait parfaitement intégré sa condition, et qui déciderait de donner sa vie à Dieu. Ce dernier, plus que n’importe qui, sera à même de soutenir, comprendre, aider, hommes et femmes, et ce sans aucune limitation. Et c’est sans compter sur leur capacité accrue à « se connecter au Divin ». Mais nous n’en dirons pas plus à ce sujet, cela nous amènerait trop loin.

– A propos de l’adoption

Dans une interview récente, Michel Serres aurait évoqué l’évangile selon Saint Luc, dans lequel le modèle de la famille est basé sur le principe d’adoption (lire ce lien pour plus d’infos). Malgré nos efforts, nous n’avons pu retrouver le passage évoqué, mais cette argumentation prouve évidemment que le propos de l’Eglise catholique mériterait d’être beaucoup plus nuancé… Par contre, nous nous attarderons sur un autre passage de la Bible, et notamment celui du centurion et de son serviteur (Matthieu, 8 : 5-13). Cette anecdote de la Bible a longtemps été commenté, mais on peut légitimement se poser beaucoup de questions : ce centurion (un romain !) est prêt à tout pour sauver… un simple serviteur ? Dans une vision « classique », on peut essaiment imaginer qu’un homme vienne prier un messie de venir sauver son fils, ou même sa femme. Mais ici, il n’en est rien. Un romain donc, est prêt à supplier un « ennemi » de sauver un de ses serviteurs ? A n’en pas douter, la relation qui unit ces deux-là est tout à fait unique. Et croisons maintenant ce passage avec un texte peu apprécié par l’Eglise officielle : Le manuscrit de Galba. Ce manuscrit, retrouvé très tardivement, a été écrit par un certain Galba. Cet orphelin raconte sa rencontre avec Jésus (dont il ignorait qui il était). Texte authentique ? Simple élucubration ? La rapidité de son interdiction de publication dans de nombreux pays, tout comme le tabou qui tourne autour de ce texte, sont particulièrement évocateurs. Et donc, dans ce manuscrit, Galba nous apprend que, justement, Jésus le trouvant trop jeune pour le suivre, va l’envoyer auprès du centurion évoqué un peu plus haut, et qu’il considère d’ailleurs comme son propre ami… N’est-ce pas très révélateur de la position de Jésus sur l’adoption ? Car, en résumé, Jésus en personne va demander à un homme mature (qui rappelons le, éprouve un amour très pur envers un de ses serviteurs), d’élever ce jeune orphelin.

Comme précédemment, attardons-nous maintenant sur la vision amérindienne de la chose… On va d’ailleurs radoter. Les Deux-Esprits, parce qu’ils harmonisent en eux et de manière équilibrée, les aspects « masculin » et « féminin », ont toujours été (et sont encore) considérés par les tribus traditionalistes (et ancestrales !) comme les meilleurs parents de substitution qui soient. Car tout en pouvant assumer le rôle d’adulte référent, ils peuvent d’un point de vue subtil consoler et « remplacer » les deux parents défunts à la fois. D’une manière évidente, ils sont également parfaitement placés pour enseigner la différenciation des sexes, car ils l’intègrent en eux mieux que quiconque. D’ailleurs, très souvent, les orphelinats étaient tenus, justement, par des Deux-Esprits (cf à ce sujet notre présentation du documentaire Two Spirits, dans lequel Wesley K. Thomas évoque cela – voir la deuxième vidéo de notre article).

– A propos du « mariage pour tous »

Du reste, il y a hélas une autre réalité… Tout ce débat autour du « mariage pour tous » est comme l’arbre qui cache la forêt. D’après certaines sources, il semblerait que ce « mariage pour tous » ne soit pas nécessairement la volonté de la « communauté homosexuelle », mais plutôt de lobbys très précis, pas forcément représentatifs de la majorité… Et que derrière cette histoire de mariage, le premier objectif de ces lobbys serait de faciliter l’adoption aux couples homosexuels financièrement aisés (mais pas nécessairement aux autres). Pourtant, il apparaît aujourd’hui que la loi française autorise l’adoption aux hommes célibataires. Par extension, actuellement, rien n’empêche déjà, a priori, à un homosexuel d’adopter un enfant. Sauf qu’en France, le processus d’adoption est particulièrement long et compliqué, et que même des couples hétérosexuels semblent avoir des difficultés à adopter des enfants. Dans de telles conditions, le changement du statut du mariage, puis de l’adoption, permettrait de faciliter les adoptions à l’étranger, qu’on sait financièrement particulièrement coûteuses. Et toutes les questions autour du business international de l’adoption se posent alors. Nous n’irons pas ici plus loin, d’abord parce que ce n’est pas notre sujet, mais aussi parce qu’on ne le maîtrise pas suffisamment (et quand on ne sait pas avec précision de quoi on parle, mieux vaut ne rien dire). Quoiqu’il en soit, dans un tel contexte, on peut légitimement se demander ce qu’on va gagner si le gouvernement fait du forcing pour faire passer cette loi, alors que la société française n’a pas encore compris ce qu’est profondément et spirituellement un « homosexuel » ? Probablement pas grand chose… Pire même, on pourrait voir ressortir des relents de haine, de rancune. D’ailleurs, il semble bien que les premiers effets se font déjà sentir, et d’après certaines associations, les coups de fils d’adolescents (non ouvertement) homosexuels dans le désarroi semblent avoir explosé ces dernières semaines. Dans les faits, on ne peut que déplorer le fait que ce « mariage pour tous » ne prend pas profondément en compte la réalité de l’homosexualité (et des homosexuels d’aujourd’hui ?). D’ailleurs, cette appellation trop politiquement correcte du « mariage pour tous » est une belle hypocrisie. Pourquoi ne pas appeler un chat, un chat ? A réfléchir, la loi française permet à un conjoint d’annuler un mariage si celui-ci n’est pas physiquement consommé. Dans le cas d’un « couple » homosexuel, cela oblige donc les deux individus à passer à l’acte ? Mais jusqu’où ? La situation est honnêtement très ambigüe et pourrait dériver très vite… Après tout, ne peut-on pas vivre en couple un amour sur un plan moins physique ? Bref, et contre toute attente, ce « mariage pour tous » ne fait que continuer à véhiculer des clichés sur l’homosexualité, tout en ravivant l’intolérance autour de ce sujet. A ce rythme-là, on est plutôt mal parti…

La conclusion de tout ça, c’est que ce débat a permis de mettre le doigt sur deux réalités : la première, c’est que la société française, tout comme le gouvernement, n’ont pas encore compris ce(ux) que sont vraiment les « homosexuels », et qu’il reste encore un long travail éducatif à faire, que ce soit au niveau social, mais aussi et surtout au niveau spirituel. La seconde, c’est que l’Eglise est profondément incohérente, non pas quand elle se lève contre un mariage social qui n’a peut-être finalement pas beaucoup de sens dans l’état actuel, mais plutôt quand elle déconseille aux homosexuels de devenir prêtres. On peut d’ailleurs légitimement se demander pourquoi une telle position ? Que l’Eglise a-t-elle à perdre en « refusant » l’accès à la prêtrise aux homosexuels ? Cela soulève aussi une question, vis-à-vis de tous les prêtres, déjà en activité, et qui sont de cette orientation. Eux qui ont pourtant passé tant d’année à vivre leur vocation, à servir Dieu et l’institution catholique, comment doivent-ils prendre un tel message ? D’un côté, comme de l’autre, il ne ressort donc qu’incompréhension, haine, et dénis de l’humain…