« Il va falloir vivre avec »… Sous entendu, « vivre avec le terrorisme », ou cette « peur ». On entend ce genre de propos de plus en plus souvent, en France. Face à l’actualité récente (et trop récurrente), force est de constater qu’il est difficile de rester insensible. Et pourtant, tout cela évoque en moi un curieux sentiment… « Vivre avec »… Ce sentiment d’insécurité permanente, de peur d’autrui et de vigilance excessive, c’est hélas un sentiment que ne connaissent que trop bien les différents gays et homosexuels de France, et de tous les pays… Comme si le « français blanc standard bien pensant » refusant d’admettre la souffrance quotidienne et insidieuse que vivent les LGBT de France, allait finalement finir par vivre dans la même sentiment. News flash : c’est un sentiment épuisant…
Face à la « vague » de terrorisme en France (« vague » en somme toute mesurée, si l’on regarde le nombre d’attentats commis dans des pays non Occidentaux et dont on minimise l’impact), les réactions ne sont hélas pas si diverses que ça, et un sentiment islamophobe semble devoir/vouloir s’installer dans notre pays. Tandis que les médias véhiculent des propos caricaturaux et dangereux, le gouvernement réagit en cherchant à réduire les libertés individuelles. N’a-t-on rien appris de l’Histoire ? La réalité, c’est que bien évidemment, une fois encore, ce sont les extrémistes de tout bord et les incompétents/ignorants qu’on entend le plus. On veut bannir l’Islam de France, renvoyer « tout le monde » à la porte, sous prétexte que les islamistes extrémistes (et complètement déconnectés d’une vraie spiritualité) sont potentiellement dans chacun d’entre eux, que leur religion n’est pas compatible avec « notre » culture. À ce jeu-là, les Chrétiens d’extrêmes-droites et consort sont les premiers sur le champ de bataille… Ceux-là même qui était en première ligne pour manifester contre « le mariage pour tous ».
Et pourtant… Dans cet imbroglio généralisé, une voix se lève. Il n’est pas rare de trouver, en fait, des membres des communautés LGBT qui tirent la sonnette d’alarme, contre l’islamophobie naissante. Parce qu’ils ne savent que trop bien le sentiment de rejet, au quotidien. Le grand paradoxe de tout ça, c’est que la situation des LGBT dans de nombreux pays musulmans n’est pas franchement reluisante, et qu’on leur réserve des bien tristes sorts. Et pourtant… oui, pourtant, parce que ces communautés sont les premières à connaître la ségrégation-quotidienne-des-petits-riens… Comme si dans la souffrance, les « minorités » (communautés ?) étaient capables de se reconnaître, de se souder. Cela est d’autant plus remarquable que, on le sait, il existe un fort sentiment anti-religieux dans les « communautés » LGBT. Être capable d’aller au-delà, pour tirer la sonnette d’alarme est, en fait, un beau signe d’espoir. Mais, est-ce pour autant suffisant ? Bien sûr que non… Car d’abord, rien n’indique que les musulmans sont prêts à accepter cette empathie de leur part. Mais surtout parce que le débat n’avancera pas tant que, dans une certaine mesure, les pays européens ne regarderont pas en face leur responsabilité historique dans les maux du monde actuel. À quand des excuses, publiques et massives, auprès de tous les peuples qui ont été colonisés, spoliés, exploités, dénaturés ? Jamais, probablement.
Au regard de cette situation, une fois encore, ce que nous enseignent les sociétés traditionnelles amérindiennes pourrait être d’une pertinence salvatrice. À leur image, la seule solution véritable à bien des maux de nos sociétés modernes ne serait-elle pas une respiritualisation authentique de la société et surtout des individus ? Car répondre à l’obscurantisme par la haine ne sera jamais une solution. Mais qui osera aborder cette question de manière forte et frontale, dans une société française qui confond presque tout le temps laïcité et rejet en bloc de toute religion ? Une fois encore, ce dialogue social, intercommunautaire et spirituel, cette revitalisation pourrait être un rôle clé des Deux-Esprits dans les années à venir.